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Les représentants de la coalition Ensemble pour le Oui et de la Candidature d’Unité populaire – dont Lluís Corominas (au centre), président du groupe Ensemble pour le Oui au Parlement régional catalan – ce 28 août lors de la présentation de leur « loi de rupture » (photographie : Joan Sánchez et El País)

Dans le cadre du processus séparatiste illégal et illégitime mis en place ces dernières années par la Généralité de Catalogne, les représentants de la majorité au Parlement régional catalan (Parlament), la coalition Ensemble pour le Oui et la Candidature d’Unité populaire (CUP), ont révélé ce lundi 28 août au public, lors d’une conférence de presse, le contenu précis de la « loi de rupture » préparé par les autorités régionales depuis plusieurs mois. Ce texte, qui s’intitule exactement « loi de transition et de fondation de la République catalane » (sic), comprend 89 articles et trois dispositions finales. Parmi ces dernières, l’une d’entre elles précise que la loi ne s’appliquera qu’en cas de victoire du « oui » au référendum séparatiste du 1er octobre prochain – quand bien même ce référendum, qui n’est reconnu par quasiment aucun État au monde ni aucune organisation internationale, ne présente aucune des garanties élémentaires que l’on serait en droit d’attendre.

Il convient de s’arrêter brièvement ce texte (disponible intégralement en catalan sur la toile), qui vise à substituer l’autorité d’une hypothétique République catalane à celle du Royaume d’Espagne, notamment en transformant les grandes institutions espagnoles présentes dans la communauté autonome en institutions catalanes. Le Tribunal supérieur de Justice de Catalogne (TSJC) deviendrait ainsi une Cour suprême catalane. Une amnistie serait immédiatement prononcée en faveur des anciens responsables régionaux catalans (comme l’ancien président de la Généralité, Artur Mas, ou encore Joana Ortega, Irene Rigau et Francesc Homs) poursuivis par la justice espagnole à juste titre pour prévarication. Si le député de la CUP présent lors de la conférence de presse de ce 28 août, Benet Salellas, s’est empressé d’expliquer que la corruption des grands dirigeants politiques catalans ne ferait pas l’objet d’une amnistie, l’on est en droit de douter de l’impartialité et de l’indépendance de la justice dans une république bananière catalane qui a pris l’habitude de balayer par la force s’il le faut toute opposition à sa politique indépendantiste.

Cette loi n’est pas à proprement parler un texte constitutionnel mais la future constitution d’un hypothétique État catalan indépendant s’en inspirera de toute évidence. Elle laisse toutefois certains éléments de côté, comme la constitution d’une possible armée catalane (dont l’existence n’est pas certaine) – car, selon cette loi, en cas de victoire du « oui » au référendum illégal et illégitime du 1er octobre prochain, l’armée espagnole et tous les représentants de l’ordre liés à Madrid devront quitter le territoire. L’on se demande comment le pouvoir putschiste de Barcelone compte les déloger de l’endroit où ils se trouvent…

En cas de victoire des séparatiste au référendum (et ce quelles que soient les conditions dudit référendum), la République catalane devra être constituée au plus tard le 1er octobre 2018. Le délai peut paraître court (et il l’est objectivement) mais il faut dire que la Généralité de Catalogne se moque en réalité du vote des citoyens catalans et a déjà décidé il y a longtemps que l’indépendance était un fait acquis. La loi de transition prévoit par ailleurs la constitution d’une figure du président de la République catalane (qui serait l’évolution de l’actuel poste de président de la Généralité). Les langues officielles de cette hypothétique République catalane seraient le catalan, l’espagnol et l’aranais – mais l’on peut là aussi douter que de telles dispositions seraient respectées étant donné le sort réservé aux citoyens catalans hispanophones dans la Catalogne actuelle. La question de la part de la dette publique espagnole qui devrait être prise en charge par l’hypothétique Catalogne « indépendante » n’est pas réglée par ce texte et fera l’objet, selon le monde séparatiste régional, d’une « négociation » avec Madrid. L’on se demande ce qu’il y a à négocier étant donné la jurisprudence internationale en la matière. Le pouvoir putschiste régional espère sans doute se débarrasser d’une charge qui lui reviendrait pourtant, surtout au vu de ses finances régionales déjà très délicates…

L’indépendance pour rire de la Catalogne devrait, toujours selon la loi de transition, se faire dans le respect total des lois et normes européennes. La continuité serait aussi assurée avec les dispositions juridiques espagnoles qui ne déplairaient pas trop au pouvoir barcelonais. Non contents de faire leur marché et de continuer à appliquer des traités internationaux ou bilatéraux sans l’avis des tierces parties concernées, les indépendantistes catalans veulent aussi octroyer automatiquement la double nationalité catalane et espagnole à leur futurs administrés (tout du moins pour ceux qui, au 31 décembre 2016, habiteraient depuis au moins deux ans en Catalogne). Cette disposition amène deux commentaires :

1- il est évident qu’il s’agit d’une tentative désespérée de la part des séparatistes de ne pas trop inquiéter leur opinion publique (très sourcilleuse sur la question européenne), mais c’est à l’Espagne que reviendrait la décision d’attribuer ou pas la nationalité espagnole à des citoyens étrangers – si elle le refusait, une hypothétique République catalane « indépendante » ne pourrait RIEN y faire ;

2- à quoi cela sert-il de bafouer toutes les lois et le droit international, d’enchaîner pendant des années les provocations et humiliations, de soumettre sa population à une processus inique et dictatorial si, une fois l’indépendance tant désirée obtenue (même au prix d’un référendum sans aucune garantie), les citoyens de l’entité devenue indépendante gardent aussi leur nationalité d’origine ?

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet. Les premières analyses pertinentes de la loi de transition et de fondation de la République catalane ont déjà été livrées et d’autres paraîtront dans les prochaines semaines. Notons toutefois que le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a reçu par téléphone le soutien du premier secrétaire du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), Pedro Sánchez, au sujet de ce texte. De son côté, la vice-présidente du gouvernement, ministre de la Présidence et des Administrations territoriales, Soraya Sáenz de Santamaría, est rentrée en contact avec José Manuel Villegas, secrétaire général du parti Citoyens, afin de coordonner une réponse nationale.

Sources : https://elpais.com/ccaa/2017/08/28/catalunya/1503903673_644898.html, https://okdiario.com/espana/cataluna/2017/08/28/ley-transitoriedad-preve-echar-ejercito-cataluna-asumir-control-aduanas-1272906, http://www.abc.es/espana/catalunya/politica/abci-puntos-clave-ley-transitoriedad-201708281427_noticia.html, http://www.abc.es/espana/abci-rajoy-y-sanchez-comprometen-hacer-frente-forma-conjunta-desafio-soberanista-catalan-201708281408_noticia.html et https://okdiario.com/espana/2017/08/28/vicepresidenta-llama-villegas-cs-abordar-reaccion-ley-ruptura-catalana-1273431